La Gruyère | Jeudi 19 janvier 2023
ANN-CHRISTIN NÖCHEL
Une importante coupe d’arbres a lieu entre Broc et Gruyères. A cause de frênes touchés par la chalarose, entre 700 et 750 arbres doivent être abattus pour des raisons de sécurité.
Le sentier pédestre reliant la piscine communale de Broc à la station de pompage des Marches est fermé depuis le 22 décembre. La cause? Une coupe d’arbres de grande envergure. Elle devrait se terminer autour du 6 février. Les frênes, essence dominante aux abords du sentier longeant le tronçon concerné, sont malades, touchés par la chalarose, appelée aussi flétrissement des pousses du frêne.
Sur les 2,2 kilomètres concernés par la coupe, entre 700 et 750 arbres vont être abattus. Cela représente un volume d’environ 1000 m3, «le long d’un sentier pédestre très fréquenté entre le Château d’en bas et le Pont qui branle», explique Patrick Ecoffey, garde-forestier et directeur de la corporation forestière Moléson. «Il faut intervenir maintenant, avant que cela ne devienne encore plus dangereux.» L’ingénieur forestier Pascal Roschy est à ses côtés ce mardi matin à Broc. Ils expliquent les enjeux de cette coupe.
En commençant par la maladie: un champignon supervolatil d’origine asiatique. «La chalarose est devenue un problème européen », indique Pascal Roschy. Partie dans les années 1990 de Pologne, l’épidémie a atteint la Suisse en 2008, et Fribourg en 2010. «Le frêne fait partie des essences pour lesquelles on se pose beaucoup de questions pour le futur. D’autant plus que les étés secs à répétition et le déficit hydrique affaiblissent les arbres de manière générale.»
Une question de sécurité
Et la chalarose est de plus en plus présente dans nos forêts. En 2020, une importante coupe de frênes avait eu lieu dans le secteur de la Boquette, le long de la Sionge à Riaz (La Gruyère du 3 septembre 2020). Déjà pour des raisons de sécurité. «Le champignon a besoin d’eau et d’humidité pour son cycle de vie. Entre la dépression des Marches, la proximité de la Sarine et les vents qui viennent s’engouffrer dans ce couloir et ainsi propager les spores, tous les facteurs sont réunis pour favoriser l’humidité ici et donc attiser la chalarose», explique Pascal Roschy.
A très long terme, l’essence trouvera très certainement une solution génétique, mais il n’existe pas de moyen de lutte efficace contre la maladie. Les frênes touchés doivent au maximum être laissés sur pied afin de favoriser la résistance et la sélection naturelle. La seule raison valable d’abattre le feuillu malade est la sécurité. «Les spores, capables de voler sur 30 ou 40 kilomètres, peuvent contaminer la couronne ou le pied de l’arbre et, dans certains cas, il n’est pas possible de constater qu’il est malade.» Le danger principal est donc sa chute sans crier gare… ou celle de ses branches, dont les fibres ligneuses ont été consommées, invisiblement, par le champignon. «Même si on ferme seulement le sentier aux usagers et qu’on ne fait rien, les frênes vont finir par mourir…» souffle Patrick Ecoffey.
Rajeunissement à l’oeuvre
Après une inspection minutieuse de tous les frênes bordant le sentier, le constat a été amer pour les deux amoureux de la forêt: plus de 90% des arbres sont touchés. «Ça nous fait aussi mal au coeur, mais ce cordon boisé va rester une aire forestière protégée», assure le garde-forestier. «L’aspect visuel va effectivement être modifié, mais ce sera temporaire. D’ici sept à dix ans, le rajeunissement aura fait son oeuvre.» Des érables, par exemple, sont venus naturellement s’établir et vont pousser rapidement. De nombreux fruitiers sauvages et des épines blanches ont également été trouvés. «Ces spécimens ont une grande valeur écosystémique et les forestiers-bûcherons prendront soin de les préserver.»
Mesures piscicoles
Entre trois à six personnes vont travailler chaque jour sur ce chantier complexe et une récolteuse devrait arriver d’ici peu. «Les quelques ornières produites, inévitables, seront remises en état. Des progrès ont été faits au niveau du tassement du sol», explique le directeur de la corporation.
Quant au bois coupé, une grande partie pourra être valorisée en bois énergie, en bois de feu, voire en menuiserie. Des tas de branches resteront également sur place, «ces rémanents organiques fertilisent le sol et constituent autant d’habitats pour de nom- breux insectes et petits mammifères».
Durant les travaux, les bûcherons en pro- fiteront pour intégrer de nouveaux arbres dans le lit de la Sarine. «Ces mesures pisci- coles spéciales permettront d’améliorer le biotope de la rivière. Deux garde-faunes nous ont indiqué que ce sera une aubaine pour les poissons», s’enthousiasme Pascal Roschy.
Les coûts se monteront à 70 000 francs environ. Le déficit de 10 000 francs est cou- vert par la participation des services de l’Etat, propriétaire d’une partie du terrain et par le syndicat des endiguements de la haute Sarine.