La Gruyère | Jeudi 20 juillet 2023
PHOTOS: ALAIN WICHT
TEXTES : ANNE CHRISTIN NÜCHEL
BROC-CHARMEY
Depuis le 10 et jusqu’au 28 juillet, forestiers et bûcherons effectuent une coupe de 260 arbres, soit environ 240 m3. L’intervention a lieu En Bataille, près de la routecantonale en direction de Charmey. Elle concerne deux zones distinctes: une première près des ruines de Montsalvens et une deuxième perchée entre deux épingles de la route, plus précisément entre le chalet Bataille et la bifurcation vers Botterens. C’est là que le rendez-vous est fixé. Ce mardi après-midi, le trafic se fait de manière alternée, mais sans feux de signalisation. Quelques voitures patientent, tandis que l’on entend un arbre tomber. «On a pu faire appel à une entreprise externe pour gérer la circulation, qui a engagé trois employés. Cela permet de limiter le temps d’attente pour les automobilistes», détaille l’ingénieur forestier Pascal Roschy. Les horaires d’intervention aussi ont été minutieusement définis: entre 8 h et 16 h, pour éviter les heures de pointe.
Sécheresses à répétition
Il faut dire que le secteur est particulièrement affecté par les travaux depuis quelques années. Entre ceux de la traversée du village de Broc, toujours en cours, et ceux de la réfection de la route cantonale, achevés l’automne dernier, la circulation n’est jamais évidente sur l’axe très emprunté: 10 000 véhicules peuvent défiler les jours de grosse affluence. Pascal Roschy en est bien conscient, mais cette fois, il y a urgence: la forêt En Bataille souffre des sécheresses à répétition. La coupe est nécessaire afin de diminuer les risques pour les usagers de la route et du sentier pédestre la longeant, fermé jusqu’au 28 juillet. Le massif concerné, d’une surface totale d’environ 10 hectares, joue un rôle protecteur contre les chutes de pierres pouvant survenir dans ce terrain raide. Et comme d’autres massifs du canton, il souffre de l’accumulation des sécheresses. «Nous avons constaté des signes préoccupants chez beaucoup d’arbres et vu que la forêt se trouve sur un passage très fréquenté, nous devions agir rapidement», explique Pascal Roschy. C’est d’ailleurs pour cela que la coupe a lieu en plein été, saison loin d’être idéale car la sève est montée. «Mais le bois sera valorisé en copeaux, ce n’est donc pas trop problématique.»
Régénération naturelle
L’ingénieur forestier et son collègue Patrick Ecoffey, directeur de la Corporation forestière Moléson, nous guident dans le terrain escarpé et très sec. Plusieurs arbres sont déjà à terre, dont un gros épicéa qui sert de passerelle dans le fouillis d’épines, de ronces et de feuilles. Pour Pascal Roschy, le constat est sans équivoque: «C’est tout le peuplement qui souffre ici.» On sait pourtant que la forêt fribourgeoise doit s’adapter au changement climatique et que les essences principales des surfaces boisées supportent mal les fortes chaleurs et le manque d’eau. Ici, on les trouve presque toutes: le hêtre, qui dépérit par le haut, l’épicéa, qui subit le bostryche typographe, le frêne, souvent malade de la chalarose, ou encore le sapin blanc. Il n’y aura pas de nouvelles plantations pour les remplacer, puisque le rajeunissement ainsi que la pousse d’essences dites d’avenir (comme l’érable champêtre et à feuille d’obier, le tilleul, le charme, ou encore l’alisier blanc), sont déjà en cours. «La nature fait très bien les choses elle-même et toute cette zone va se reverdir très rapidement », indique Pascal Roschy. Les coupes des troncs se font en hauteur afin que les souches des feuillus capables de rejeter restent en vie et continuent à participer à la fonction protectrice de la forêt. «Les nouvelles essences vont pouvoir remplir à leur tour ce rôle de protection.»
Gros moyens nécessaires
L’intervention des bûcherons et des forestiers a lieu sur 2,25 hectares. Chaque jour, deux équipes partent ainsi sur un terrain délicat, entre la pente, la route qui serpente et la présence d’une ligne à haute tension empêchant l’intervention d’un hélicoptère. Il nécessite l’usage d’outils spécifiques. Près du chalet Bataille se trouve par exemple un Waldrapp, un treuil mobile. Sur le parking est garé un tracteur forestier et, plus bas, une pince télescopique munie d’une chaîne de tronçonneuse est en train d’être manoeuvrée. Grâce aux différents partenaires, le Service des ponts et chaussées, la Corporation forestière Moléson, l’entreprise Claude Limat SA et la commune de Broc, les moyens nécessaires ont pu être engagés. Le déficit de l’intervention, dont l’offre est plafonnée, atteint tout de même entre 70 000 et 80 000 francs. Et des moyens, selon les deux forestiers, il en faudrait bien plus: les coupes d’arbres dues aux sécheresses sont de plus en plus nombreuses (La Gruyère du 19 janvier) et le seront encore davantage à l’avenir.